"Mon petit renne", la perturbante série qui cartonne sur Netflix

Ça commence comme une histoire banale. Un jour Martha entre dans le pub où travaille Donny, un humoriste raté. Elle a l'air désemparé, il lui offre une tasse de thé. C'est le début d'une histoire de harcèlement, qui se révèle au fil des épisodes, très trouble et compliquée. C'est ce que raconte Mon petit renne, série britannique en 7 épisodes, qui rencontre un vif succès sur Netflix.

Cette série s'inspire de ce qu'a vécu l'acteur Richard Gadd (qui incarne Donny), harcelé par une femme, qui l'a poursuivi de ses assiduités pendant plusieurs années. Le suivant jusque chez lui, harcelant ses proches, lui envoyant des milliers de mails, de messages vocaux.

"C'est une série sur le harcèlement, c'est très autobiographique", a expliqué Richard Gadd dans l'émission London Live. "Cela raconte les six ans qui ont suivi cette tasse de thé".

"Parfois, je me suis demandé, comment cela peut-il m'arriver? Comment en est-on arrivé à ce point-là?".

Sensibiliser au harcèlement

Au-delà de l'histoire d'une femme qui harcèle un homme, Mon petit renne explore la relation complexe et malsaine qui s'instaure entre Donny et Martha. Car le harceleur est ici dépeint comme un personnage peu sûr de lui, qui semble renacler à essayer de se défaire de l'emprise de cette femme. "Pourquoi avez vous attendu si longtemps", lui répond le policier, lorqu'il se décide enfin à porter plainte. Ici la répulsion cède parfois le pas à l'attirance, et le harcelé se fait parfois harceleur. Qui a le plus besoin de l'autre?

La série est aussi destinée à faire réfléchir sur la perception des traumatismes. Car si Donny laisse Martha prendre autant de place dans sa vie, c'est qu'il est brisé par un événement subi quelques années auparavant, une agression sexuelle.

Certains épisodes portent d'ailleurs des avertissements adressés aux spectateurs, sur la dureté des scènes, ainsi que des conseils pour se tourner vers des associations, si l'on est soi-même victime de tels agissements.

"Ce genre de série, qui est faite pour être très théâtralisée, très spectaculaire, pour intéresser le téléspectateur permet malgré tout de sensibiliser les personnes qui regardent, aux signaux faibles d'un début de harcèlement, pour essayer de voir à quel moment les choses dérivent", souligne sur BFMTV la psychologue-clinicienne Johanna Rozenblum.

Acteurs époustouflants

La performance des acteurs, Richard Gadd dans son propre rôle, et Jessica Gunning, qui incarne Martha, tous deux époustouflants, rend cette série "impossible à lâcher", malgré le malaise qu'elle suscite, comme l'a écrit Stephen King dans une chronique pour le Times, soulignant que c'est "l'une des meilleure chose qu'il ait jamais vu".

Le personnage de Donny Dunn, humoriste raté, maigrichon et voûté, en permanence mal à l'aise, exsude le manque de confiance en soi. On comprend pourquoi il apprécie et se sent rassuré par les compliments de Martha. Il se reproche d'ailleurs de susciter le harcèlement et même de l'encourager.

"Si les gens voient (la série) ils sauront presque tout de moi", livre Richard Gadd au Times. "Peut-être jugeront-ils, peut-être ne seront-ils pas d'accord et ça m'angoisse, mais j'ai signé pour ça. (Dans la série) Vous détestez Martha, à de nombreuses reprises, et à de nombreuses reprises, c'est moi que vous détestez".

La série, fondée sur une histoire vraie, a par ailleurs excité la curiosité de certains téléspectateurs, qui se sont mis en quête de la véritable Martha, quand bien même Richard Gadd a veillé à ce qu'elle ne soit pas reconnaissable dans la série.

Au point d'entraîner certaines dérives. Il n'a pas fallu très longtemps aux internautes transformés en détectives pour identifier une personne qui pourrait être la harceleuse de Richard Gadd. Ils ont également accusé, à tort, un scénariste et réalisteur d'être l'auteur de l'agression sexuelle de Richard Gadd, notamment parce qu'il ressemble physiquement à l'acteur qui l'incarne dans la série. Pour celui-ci de telles spéculations ne sont pas du tout le but de la série.